Hôtel de ville (Benfeld) : Différence entre versions
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Version du 3 juillet 2019 à 14:19
Construite en 1531, la «Laube» (halle) est l’un des rares témoins de l’architecture de cette époque. L’étage, qui abrite alors la «Herrenstube», institution qui réunit les notables de la Ville, est accessible par une tourelle d’escalier Renaissance ajoutée en 1619, dotée d’une horloge à automates.
Sommaire
L’hôtel de ville (la Laube) de 1531
Dans un acte de vente de 1518, une halle, appelée « Laube », est mentionnée près de la porte inférieure. Il pourrait s’agir d’une première halle municipale, dont on ne connait rien, ni sur son architecture, ni son emplacement initial. La nouvelle Laube, en revanche, qui abrite une halle à arcades gothiques en maçonnerie de briques surmontée d’un étage à pans de bois et d’une ample toiture sur trois niveaux de combles, est construite en 1531 au centre de la cité, au croisement des trois grandes rues marchandes. Son architecture est simple, présentant un héritage du Moyen Âge, bien que les pans de bois présentent des formes annonçant les prémices de la Renaissance, notamment les très beaux « Mann », ce motif présent largement sur les deux pignons nord et sud. A l’arrière du bâtiment, un édicule accolé abritait à l’étage une salle voûtée en briques, servant de dépôt aux archives et aux objets précieux. Au premier niveau, deux consoles armoriées aux armes de Benfeld et à celles de Strasbourg portent la date de 1531, attestent que les travaux ont eu lieu lorsque Benfeld était encore engagée par l’évêque à la ville de Strasbourg. Ce bâtiment public est l’œuvre de maçons et de charpentiers locaux. De nos jours, il constitue un rare exemple de halle médiévale, la plupart d’entre elles ayant été remplacées ultérieurement dans d’autres villes.
La halle couverte accueillait, par temps de pluie, le marché couvert. On y faisait également des proclamations publiques, on y prêtait serment et on y rendait la justice… L’étage, quant à lui, était occupé par le logement de certains employés, par la Ratstube, mais surtout par une institution présente dans plusieurs villes d’Alsace, la « Herrenstube ». Cette institution présente aux XVIe et XVIIe siècles réunissait les notables, nobles, administrateurs et membres du clergé qui discutaient des affaires locales, mangeaient, buvaient et jouaient… Pour accéder à l’étage, il devait exister un escalier extérieur contre l’une des deux façades longitudinales et une première tourelle en bois surmontant le bâtiment ; la tourelle actuelle conserve en effet une cloche fondue en 1600 par Jacob Miller de Strasbourg. Cette ancienne tourelle est démontée par le charpentier Oswald Bentz en 1619.
La tourelle d’escalier de 1619
Il faut attendre 1619 pour que le Magistrat, profitant de la présence en ville d’un maître d’œuvre et de maçons sur le chantier des fortifications, décide d’entreprendre la construction d’une belle tourelle d’escalier octogonale de style Renaissance, pourvue d’un portail à colonnes d’ordre corinthien et surmonté d’un toit à bulbe et d’une flèche. La cité, alors en plein essor, voulait montrer, par cette réalisation, son goût prononcé pour l’esthétique Renaissance et la mise en scène de l’espace. En effet, on se rend compte qu’elle n’est pas placée au centre de la façade du bâtiment, mais désaxée sur la droite, occultant une arcade entière. Cet effet est voulu, puisque le constructeur a placé la tourelle au centre du champ de vision de tout visiteur qui franchissait la porte d’entrée ouest. C’est une parfaite mise en scène, permettant à une horloge à automates (le Jacquemart) d’être placée à la vue de tous.
Quelles ont été les sources d’inspiration des édiles pour cette réalisation ? Il semblerait que le Jacquemart installé sur la Metzig de Molsheim en 1607 ainsi que d’autres bâtiments de cette ville épiscopale, aient été à l’origine de cette réflexion. Grâce au compte de 1618-1619, on apprend que l’un des deux Stettmeister s’est rendu à Molsheim pour voir le portail d’entrée de la chartreuse, et donc pour le copier – à moindre échelle – sur le portail d’entrée de la tourelle. La chartreuse, dont certaines parties étaient achevées, constituait l’un des grands chantiers de Molsheim, à instar du Séminaire, resté inachevé dans les années 1620, ainsi que le collègue des Jésuites et son église (1615-1618).
L’horloge à Jacquemarts de 1620
Dès 1614, il existait sur la façade sud de la Laube un cadran solaire qui a été peint par un peintre de Strasbourg, ce qui confirme qu’il était nécessaire d’avoir l’heure à cet endroit de la cité. Le Jacquemart de Benfeld, quant à lui, semble projeté et installé dès l’achèvement de la tourelle d’escalier, au cours de l’année 1620, puisque l’horloger s’est rendu sur place le 30 août 1620 pour superviser l’installation. En effet, les comptes de la ville de 1619-1620 et le cahier des mémoires de 1620 mentionnent les artisans ayant participé à cette réalisation :
- Le maçon Heinrich Matter a réalisé la construction de la tourelle ; il a été secondé par le maçon Ulrich Tretsch de Rosheim qui a fourni l’ensemble des pierres de taille sculptées et les marches.
- La charpente est due au charpentier Ostwald Bentz, qui a régulièrement travaillé pour la ville.
- Le sculpteur Thomas Wild de Rosheim a fourni deux statuettes de 3 pieds de hauteur pour la tourelle, vraisemblablement placées au-dessus de la corniche du portail d’entrée.
- L’horloge est l’œuvre du maître horloger Abraham Habrecht (1578-1636) de Strasbourg, le fils de l’horloger Isaac Habrecht qui a construit l’horloge astronomique de la cathédrale.
- Un sculpteur de Strasbourg a réalisé les trois statuettes du Jacquemart, mais son nom n’est pas mentionné dans les comptes.
- Les travaux de peinture et de dorure des trois statuettes sont effectués par le peintre strasbourgeois Johann Fröbe qui peint aussi les cadrans et les statuettes du portail. L’une des statuettes est appelée Prudentia, la deuxième Justitien, la troisième Pax. Nous retrouvons ces trois noms dans le mémoire préparatoire aux comptes de 1620. Ces trois vertus – la prévoyance (ou sagesse), la justice et la paix – sont celles qui permettent le bon vivre ensemble dans la cité et répondent donc à une volonté officielle des instances dirigeantes d’afficher ces symboles sur un monument vu de tout un chacun. Le personnage de droite, Prudentia, est personnifié par l’archiduc Léopold d’Autriche, seigneur de Benfeld, qui porte une armure à la Maximilienne, une épée et une hallebarde et arbore l’ordre des Chevaliers teutoniques. De sa main droite, il frappe les quarts d’heures à l’aide d’un marteau. De l’autre côté du cadran se tient un squelette, Pax ?, personnifiant la Mort et tenant une faux de sa main gauche et un sablier de sa main droite, qu’elle tourne toutes les heures. Le troisième personnage, placé sous forme d’un buste dans une lucarne, se nomme Justitien, c’est-à-dire la justice. Il s’agit d’un édile local, le Schultheiss, tenant dans sa main gauche une bourse, symbole de fortune, et dans sa main droite un bâton prévôtal. A chaque coup des heures, il lève et baisse ce bâton autant de fois qu’il y a d’heure tout en ouvrant et en fermant la bouche. On affirme généralement qu’à l’origine, l’horloge ne comprenait qu’un seul cadran indiquant les heures et que Jean-Baptiste Schwilgué installa, en 1856, le deuxième cadran du bas ainsi que le disque du haut présentant les phases de la Lune. Malheureusement les pièces du marché conclu entre le maire et Schwilgué en 1856 n’ont pas été conservées. Néanmoins, nous pouvons supposer que ces innovations étaient déjà présentes dans la réalisation originelle – à l’image du Jacquemart de Molsheim – car elles figuraient parmi les compétences d’Abraham Habrecht, horloger strasbourgeois de renom, issu d’une lignée originaire de Schaffhouse en Suisse. En effet, le mécanisme du petit cadran du bas, qui indiquait initialement les minutes par quarts d’heures, a été modifié afin de présenter l’heure de Paris.
L’hôtel de ville et son horloge depuis le 19e siècle
L’hôtel de ville
L’hôtel de ville connaît de multiples remaniements et transformations intérieures au cours des XIXe et XXe siècles. Alors que la halle d’origine est partiellement reconvertie en corps de garde et en remise pour les pompes à incendie, on y installe définitivement le siège de l’administration municipale sous la Révolution, ainsi que le tribunal cantonal. En 1828, on y aménage le logement de l’appariteur en partie à l’étage, ainsi que dans le comble, du côté sud. En 1838, à côté du corps de garde, on établit deux cellules. En 1857-1858, d’importants travaux à la justice de paix sont nécessaires en raison de l’état de dégradations de certaines parties du poutrage en général. Une restauration d’envergure a lieu en 1865-1866, destinée à masquer l’ancien bâtiment en bois sous des airs d’édifice en pierre, par l’artifice de peintures en trompe l’œil imitant un appareillage en maçonnerie, des chaînages d’angles, des bandeaux horizontaux, etc. Les restaurations suivantes, celles de 1903 et celle de 1934, se déroulent dans les mêmes conditions, le but étant de refaire les enduits extérieurs et de peindre des faux appareils de pierre de taille autour des arcades gothiques. En 1903, les trois grands piliers en chêne qui soutenaient dans la halle les solives de l’étage sont remplacées par un mur de refend longitudinal partant d’un sous-sol mis en place à cette occasion. Les arcades, quant à elles, sont comblées par une maçonnerie avec des portes et fenêtres desservant les espaces intérieurs (Caisse d’Epargne, etc.). En 1929, le bâtiment est inscrit par arrêté préfectoral sur la liste supplémentaire des Monuments historiques. Il faut attendre les grands travaux de 1950, pour voir les deux pignons Nord et Sud entièrement dégagés, laissant apparaître le magnifique pan de bois masqué depuis près de 200 ans ! L’ancienne « Herrenstube » et les salles attenantes sont dotées de fenêtres à vitraux armoriées. La restauration entreprise en 1982, quant à elle, consacre une redistribution des espaces administratifs du rez-de-chaussée et la mise à jour complète des arcades gothiques, désormais dotées de grandes baies vitrées. Plus récemment, l’administration municipale, qui occupait l’ensemble du rez-de-chaussée, a déménagé dans de nouveaux locaux plus spacieux inaugurés en 2006, laissant la place à des salles d’exposition du Musée ainsi qu’à l’Office de Tourisme, installé en 2009. En 2007, la dernière restauration approfondie des façades, s’est consacrée principalement à la reconstruction du pan de bois du pignon Sud, continuellement exposé aux intempéries et sérieusement détérioré. Les pans de bois anciens sur les côtés ouest et est ont aussi été mis en valeur à cette occasion et un éclairage rasant des façades a été aménagé, offrant une mise en lumière nocturne remarquable. Le réaménagement du centre-ville, en 2016-2019, a permis une revalorisation complète du monument au centre de la cité.
Le Jacquemart
Au cours du XIXe siècle, l’ancien mécanisme de l’horloge, très usé, doit être remplacé. C’est le constat établi par le conseil municipal en 1852, alors autorisé à solliciter un ingénieur mécanicien. Mais la décision n’est prise que le 27 avril 1856. Le conseil prend en compte la démolition prochaine du clocher de l’église dans lequel se trouve l’autre horloge publique de la ville – de surcroit tout aussi vétuste – et la nécessité d’avoir une horloge en état de marche en raison des nombreux ouvriers qui se rendent journellement à l’établissement textile de Huttenheim. Le conseil tient également à préserver le Jacquemart.
Le maire Rack s’adresse ainsi au célèbre ingénieur Jean-Baptiste Schwilgué (1776-1856), de Strasbourg, qui présente un contrat le 17 mai 1856. Schwilgué et son équipe parviennent à construire la nouvelle horloge et à la livrer à Benfeld le 5 novembre 1856, avant le décès de ce dernier qui a lieu en décembre 1856. Des travaux supplémentaires sont commandés pour la fourniture d’un timbre plus fort pour la sonnerie des quarts d’heures et un changement dans le mécanisme de minuterie marquant sur le cadran inférieur l’heure de Paris. Le Jacquemart constitue ainsi la dernière réalisation marquante de l’auteur de la troisième horloge astronomique de Strasbourg.
Au fil des décennies et des restaurations de l’hôtel de ville, de petites transformations sont entreprises à l’horloge, mais sans en affecter son fonctionnement. Vers 1902-1903, deux cadrans neufs sont installés, remplaçant ceux fournis par Schwilgué. Ces mêmes cadrans, remis en état par la société Ungerer Frères en 1949, alternant des couleurs sombres et claires, sont remplacés dans les années 1980 par les cadrans actuels. Enfin, après la restauration de l’édifice en 1982, les automates anciens, en bois, usés par les intempéries, sont remplacés par les copies actuellement en place. L’électrification de l’horloge de Schwilgué a lieu par la suite, permettant un fonctionnement plus régulier. Entre temps, alors qu’au XIXe siècle, le cadran du bas indiquait l’heure de Paris, désormais c’est l’heure officielle de Paris qui est indiquée sur le grand cadran, alors que l’heure locale de Strasbourg, qui retarde de 29 minutes, apparaît sur le cadran du bas. En consultant des cartes postales anciennes, on se rend compte que dans la première moitié du XXe siècle, les deux cadrans indiquaient alors la même heure. Sur les trois statuettes, déposées dans les salles du Musée, celle du chevalier en armure présente le millésime de 1742 soigneusement gravé sur sa face arrière. Celui-ci peut correspondre, soit à une date de restauration du Jacquemart, soit une réfection partielle ou totale des statues au cours du XVIIIe siècle. Quoi qu’il en soit, si nous sommes en présence de copies, celles-ci sont sans doute fidèles aux originaux.
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